"Le temps sera porté par un beau mouvement dramatique et celui-ci ne laissera pas de place à la monotonie"
Alexandre Vialatte

Les vaches

vendredi 12 novembre 2010

J - 8

Dans huit jours je reprends la route de la Moravie et de la Silésie via Sentheim, Kufstein, Vienne pour parvenir à Orlova en Silésie au terme de quelques jours de parcours pour revenir le 14 décembre à Paris. Au programme beaucoup d’obligations (je ne fais pas que m’amuser et rire de mes voisines rescapées de Tchernobyl… c’est vrai qu’il y a des spécimens assez remarquables de femmes qui ne réalisent même pas en se levant le matin et se regardant dans la glace qu’elles ont dû passer par une chaîne de fabrication de minium, l’Oréal a du boulot, n’est-ce pas Mme Bête en Cours ?). Point fort de cette période en dehors des choses sérieuses : un séjour de quatre jours à Slavkov ù Brna (traduction :Austerlitz) en espérant y retrouver l’ambiance qui nous avait tant impressionné en 2005 mon compagnon de mission et moi-même : ces paysages figés dans la neige, violentés par un vent qui tombe depuis les grands espaces orientaux. La température tourne autour de zéro mais en fait nous ressentons une température de – 20 en continu, le tout baigné dans les bancs de brume et ce soleil qui ne cesse de jouer avec les nuages. Comme je l’ai écrit maintes fois, le fait de déboucher sur le champ de bataille par le sud, comme Davout ou de l’observer en tour d’horizon depuis le Zuran, à la manière de Berthier, fait découvrir l’intuition et le sens de la tactique de Napoléon. Avec quelques connaissances de base on comprend la raison pour laquelle il recherche l’affrontement décisif sur ce terrain (il faut remarquer que le Tsar, jaloux du général Koutouzov, est allé se mettre dans la gueule du loup sans se faire trop prier. Koutouzov, très habile tacticien et stratège, il a roulé Murat à Hollabrunn, n’a fait que subir l’infinie bêtise de son Empereur : il n’avait guère envie d’aller terminer ses jours dans les riantes forêts de Sibérie pour tenir compagnie aux rennes). A chaque phase de la bataille correspond un éclairage du champ de bataille d’où l’importance du soleil et de ses pas de danse. En 2005 il s’agissait d’une troublante coïncidence. C’est dire que je souhaite retrouver cette ambiance tout comme les centaines de Tchèques, Slovaques, Polonais, Russes, Belges, Allemands, Français, Italiens etc qui se pressent sur les hauts lieux de la bataille. Contrairement à une idée répandue le monde napoléonien dans ces grands moments n’est pas majoritairement français. Je serais même tenté de dire que les français sont très minoritaires. Le monde napoléonien ressemble plus à une sorte de légion étrangère avec la discipline et l’honneur, parfois, en moins. Les français, pour certains d’entre eux, sont repérables à leurs manières désinvoltes à l’égard des autochtones, à leur « grande gueule » et parfois à leurs frustrations. Porter l’uniforme change leur vie quotidienne à l’horizon limité. Les russes (je ne parle pas du peuple russe dans sa généralité, je parle des russes que j’ai croisés) sont surtout détectables à huit heures du matin au parfum de vodka qui flotte dans l’air. Ce n’est pas leur faire injure mais certains doivent se faire des perf en douce ou, ayant confondu avec l’eau de toilette, se parfument avec. En 2005 nous devions retrouver des camarades des forces spéciales russes (celles qui, lors des prises d’otages, tuent tout le monde en commençant par les otages) ou prétendus tels mais le lendemain aucune trace. Les policiers tchèques n’aiment pas le moindre milligramme d’alcool au volant et surtout n’aiment pas les Russes. Allez savoir pourquoi ! On peut rappeler qu’un beau jour d’août 1968 l’Union Soviétique a envahi la Tchécoslovaquie avec en pointe de l’attaque en Bohême du Nord des blindés est-allemands et sous le regard bienveillant du parti communiste français. Qui a désavoué par la suite, une fois que le mal était fait. Très exactement il a dénoncé l’occupation mais pas l’invasion…. Sauvons les apparences après avoir mis le doigt jusqu’au coude dans le pot de confiture. Qui veut un dessin ?


On s’étonnera que le ou la Tchèque soit tristounet ou tounette. Cette apparence, qui n’est qu’une apparence, vient de son histoire récente. L’histoire s’arrête à la fin de la première République, en gros aux accords de Münich qui organisaient le dépeçage de la Tchécoslovaquie avec la complicité des démocraties occidentales dont la France de la Révolution et des Droits de l’Homme (je me demande quel Homme… l’Homo Hitlerus ?). L’Allemagne se précipite sur les Tchèques et les Autrichiens et « miam-miam ». En Tchécoslovaquie on met en place un protecteur (enfin protecteur… la langue française est quand même joyeuse, elle favorise la litote). En la personne d’Heydrich, un personnage assez sympathique, un peu crispé sur les zygomatiques. Mari d’une très jolie femme, et papa de beaux enfants joyeux, très joyeux surtout quand il racontait ses aventures dans le Nord de la Bohême. Ces enfants ont appris à compter grâce au tableau de chasse du Papa. Les paras tchèques n’ont pas apprécié longtemps cette manière d’agir. A la fin de la guerre Benès s’est vendu aux Soviétiques pour pas cher, Münich, Yalta et Potsdam étaient passés par là. L’architecture tchèque se remarque grâce à la taille des fenêtres… en effet dans les années 1948-1952 les opposants et ceux qui pouvaient y ressembler, en général tous les crypto-bourgeois et autres ploutocrates, ont eu tendance à tomber par les fenêtres, habitude assez anachronique dans un pays aussi évolué que celui-ci. Aujourd’hui dans les habitations postérieures à 1960 les fenêtres sont toutes petites. Après 1965 les sourires avaient tendance à revenir sur les visages jusqu’au Printemps de Prague, les Tchécoslovaques sentaient que leurs cerveaux allaient sortir d’une longue hibernation, pour peu de temps… ce qui fait qu’aujourd’hui le passant de la rue porte un regard mélancolique sur son pays et sur son environnement. On peut le décrisper avec une bonne bière, un peu de jambon, une Schnitzel à l’ail, une salade de pommes de terre, en oubliant nos stéréotypes d’occidentaux, infidèles à notre histoire et à nos idéaux. Les Moraves et les Silésiens se réveillent au nom de Napoléon qui leur a laissés entrevoir une éclaircie dans leur destin.

Nous irons aussi fleurir le lieu d’un combat entre quatre gendarmes et soixante cosaques du Duc de Lichtenstein dans les environs de Zarosice dans le sud-est de Slavkov. Les pauvres n’avaient guère de chance d’échapper au massacre ! … Mon modeste travail de recherche aura permis de susciter, grâce aussi à la bienveillance du Service Historique, le baptême d’une promotion de l’Ecole de Chaumont du nom de l’un d’entre eux : le gendarme Alexis Dericouart, issu d’une lignée de magistrats. C’est l’ancêtre de nos prévôts actuels.



J’espère qu’à défaut d’aller chasser le dahu nous aurons l’occasion de participer à une chasse au loup autour du Mont Radegast. A moins qu’une paire de lièvres me passe à portée de main sur le plateau de Pratzen. La Moravie est le paradis du gibier. Je me demande même s’il est chassé. Le versant sud du plateau est constellé de faisans et de lièvres. Il est connu que le loup mange les enfants. On pratique un peu comme pour l’écrevisse. On place un enfant dans une cage… les braillements de l’enfant attirent les loups et « paf » le loup. Cette chasse se pratique au fusil à lunette calibre 7,62 NATO. En étant surtout coiffé d’un chapeau en Loden épinglé d’une touffe de poils d’ourson. La pianiste Hélène Grimaud n’apprécie pas cette chasse, on ne lui demande pas son avis, l’essentiel étant qu’elle nous accompagne au piano lorsque nous dégustons le civet de loup.


J’ai fait la promesse à l’un de mes amis de faire un reportage photographique sur les toilettes, les « chiottes » pour être direct, et leur degré de propreté. Je testerai la chute de la pièce de 50 cent par la fente. Je pense même établir un comparatif entre les différents pays. En publiant ces tests je resterai dans les limites de la décence. On sait qu’on juge un établissement hôtelier et/ou de restauration par l’état de ses toilettes comme si la qualité de l’assiette commençait par celle de la cuvette. Enfin c’est un des critères … On peut s’endormir dans sa voiture (pas trop … je le déconseille à tout le monde car le réveil est parfois difficile surtout quand on est au volant, j’ai essayé et je n’ai pas approuvé), pour savoir si l’on est en France, il suffit de s’arrêter sur une aire d’autoroute et goûter à la cuisine. Si c’est médiocre c’est qu’on est en France. Pas la peine que la revêche de service ouvre la bouche et vous dise « quoi ? » au lieu de « comment ? », il y a le « bonjour » mais il n’est pas forcément frappé de sincérité à juger par l’intonation. Un bovin est mieux considéré dans une stabulation libre. Et ce « bonjour » en fait on ne sait jamais à qui il s’adresse. C’est vrai que l’Autrichienne aurait aussi cette tendance à être plutôt crispée mais l’accueil est en général agréable, la tambouille est bonne, les nappes et les serviettes sont en tissu, on se sent moins con-sommateur. La serveuse autrichienne parle français quand elle n’est pas sous pression, grosso modo elle est abordable en saison creuse… comme là en Novembre-Décembre, pas au-delà. Dès qu’elle a six assiettes sur les bras elle revient à la langue de Musil. Comme si la chaleur de la grill Teller agissait sur le cerveau, sur la commande langues étrangères. La Française (je parle toujours de la serveuse de bordure d’autoroute) est formatée par son syndicat et son employeur pour ne parler que français et encore très mal. Impossible de lui extraire une phrase en anglais, en Italien ou en allemand. Malgré tout cela il paraît que la France reste la première des destinations pour le touriste étranger. Nous devons posséder des talents cachés …


7 commentaires:

  1. Les Tchèques ont eu une histoire mouvementée ces dernières cent ans.

    A mon avis, à la base est une erreur de leur part : ils auraient dû rester dans l'Empire Autriche-Hongrie où ils avaient la belle vie. Mais ils ne le savaient pas. Et après ce fut trop tard.

    C'est ça l'histore.

    Georg

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  2. Tu sais je pense que les Tchèques n'ont pas eu le choix.... Il faut revenir à la fin de la première guerre mondiale, les jeux étaient faits avant le 11 novembre 1918. En effet Charles de Habsbourg avait lancé des contacts vers la France et l'Angleterre pour offrir ses services en vue d'une paix séparée. Dans l'optique de conserver l'Empire sous la forme austro-hongroise. C'est approximatif .. mais bon l'idée est là. Et la France ne voulait plus voir les Habsbourg. On connaît la suite.

    Mais j'ai beaucoup lu sur les Habsbourg et à la lumière de ce que je vois aujourd'hui avec Otto de Habsbourg c'eût été une bonne solution ... est-ce que cela aurait changé le cours de l'histoire (2ème guerre mondiale - Yalta etc .... partage de l'Europe en deux blocs ????). Mais ta proposition je vais aller en parler en République Tchèque je vais voir leur réaction !!!!... L'Allemagne à l'issue m'offre le rapatriement sanitaire !

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  3. Pour revenir sur ce sujet : tu sais ils me lisent là-bas. Je vais essayer de passer la frontière avant Mikulov par les petites routes avec un filet de camouflage sur mon zèbre rouge framboise ! ahahahahah

    J'ai le titre de Comte de Pratzen (Graf von Pratzen), je vais être déchu à cause de toi ! Et la tête coupée peut-être !

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  4. Bonjour
    Pourquoi "comte de Pratzen" ?
    Merci :)

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    1. Bonsoir

      Et pourquoi pas ?

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    2. J'avais imaginé que vous donneriez une réponse plus intelligente !

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  5. Bonjour,

    Essayez de poser la même question à Kersauson vous lirez sa réponse et pourtant il est Vicomte ! ;-)

    J'ai mesuré mon QI grâce à une formule très intuitive voilà ce que cela donne 50... pas très élevé quand même.

    JML P

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